Cartier dit non au naturel pour son nouveau parfum

10 Juillet 2015 | par Ecocentric |

Cartier dit non au naturel pour son nouveau parfum

C'est une information qui est sûrement passée inaperçue pour la plupart d'entre vous mais la maison de luxe Cartier a clairement revendiqué son choix de proposer une composition 100% synthétique pour son nouveau parfum L'Heure Perdue.

Le naturel dans la parfurmerie, plus pour le monde du luxe ?

C'est le nez Mathilde Laurent, parfumeur-créateur depuis 2005 de la marque Cartier déjà à l'origine de très nombreuses fragrances pour la maison de joaillerie, qui a composé ce nouveau jus à base de molécules de synthèse uniquement.

Pas une seule goutte de naturel, aucune essence de fleur précieuse, d'extrait de bois éxotique, de pincée d'épice rare, de note gourmande de fruit ou de concentré de plante mystérieuse... L'Heure Perdue revendique sa composition 100% chimique.

Comment en est-on arrivé là ? C'est en 2009 qu'est née la collection Les Heures de Parfum de Cartier, déjà imaginée par Mathilde Laurent, une collection de parfums rares - et chers - exclusivement disponible dans le flagship Cartier de la rue de La Paix à Paris. Dix parfums exclusifs, voici le onzième.

Parfum Heure Perdue de Cartier

Et c'est avec un parti pris à contre-courant de la tendance du retour au naturel et au "vrai" que la parfumeuse a choisi de travailler pour proposer un parfum différent : « La beauté ne réside pas que dans la nature. J’ai voulu remettre les principes de création olfactifs à leur place. Sans les molécules de synthèse, aucun grand parfum ne pourrait exister. »

Et elle dit vrai ! Car même si les grandes maisons de parfum ne communiquent généralement que sur la préciosité des extraits de fleurs ou de plantes qui composent leur créations olfactives : la rose de Grasse, le jasmin d'Arabie, l'iris de Toscane... tous les parfums contiennent du synthétique depuis 1921 et l'indétronable Chanel n°5, premier parfum à contenir des aldéhydes.

Le pourcentage d'ingrédients synthétiques reste pourtant un secret bien gardé, mais il serait bien plus élevé qu'on l'imagine. Ils sont moins chers, toujours disponibles car ne dépendent pas des récoltes, toujours identiques, plus simples à travailler... sans compter qu'ils offrent une palette de possibles bien plus importante que la nature (comme le cis-3-hexenol et son odeur d’herbe fraichement coupée) dont certaines fleurs gardent encore leurs secrets.

Dans une récente interview, Jean-Claude Ellena, le parfumeur d'Hermès, a même avoué qu'un de ses parfums "à l'odeur si naturelle" est à 99% synthétique... sans citer le nom de ce parfum car selon lui "le public n'est pas prêt à l'entendre".

Aucun doute : la science est véritablement douée pour faire croire au naturel. L'Heure Perdue de Cartier est d'ailleurs étonnamment doux, charnel, soyeux, volupteux… Et pourtant il doit tout à la science, prouvant qu'un parfum 100% synthétique peut sentir bon.

Cependant il me semble qu'on s'éloigne de la définition même de la Haute Parfumerie sensée privilégier les matières d'extrême sophistication. Et si une composition 100% naturelle n’est en aucun cas un gage de qualité car "c’est avant tout la construction du parfum, son exécution, son équilibre, sa structure et donc une grande part de technicité qui en fera le charme, la beauté et les qualités" comme le rappelle Jeanne Doré, co-fondatrice de auparfum.com, c'est pour moi un exercice de style auquel devraient se confronter tous les grands parfumeurs comme l'a fait Olivia Giacobetti avec la maison Honoré des Prés.

Les ingrédients naturels d'exception participent au petit supplément d’âme d'un parfum par la complexité, la richesse et le relief de leurs composition aromatique : là ou le cacao contient 900 molécules, son ersatz synthétique n'en contient que 2 : la vanilline et et le phénylacétate d'isobutyle. Nos narines sont bernées mais il manque forcément ce petit plus qui fait toute la différence !

Et pour ceux qui se disent que l'absence de matières précieuses et rares dans le nouveau parfum de Cartier le rend plus accessible, détrompez-vous ! Il vous faudra débourser 258,50 € pour le flacon de 75ml...

Pour en savoir + : www.cartier.fr

Crédits photo : Les Heures de Parfum - Florian Joye © Cartier

2 commentaires

par Silvermist, le 20/04/2016 à 20h02

Il ne faut en effet pas penser que les matières synthétiques sont forcément bon marché, ni surtout, de piètre qualité. La chimie est une science complexe et peut aboutir à des molécules d'une extrême sophistication.
Ce qui est bien pratique en parfumerie quand on sait à quel point certaines molécules naturelles aux apparences très avenantes peuvent être allergènes (eugénol, coumarine...)
Le propos de Mathilde Laurent est effectivement de montrer que la beauté peut se trouver partout et que ce qui compte aussi beaucoup, c'est l'honnêteté dont on fait preuve quand on parle d'un produit.
L'idée qu'on ne fait du prestigieux qu'avec du naturel reviendrait à dire qu'on ne peut faire de joaillerie qu'avec des pierres dites précieuses. Et là, C'est Victoire de Castellane, qui doit bien se marrer.
Pour terminer, je me permettrai de vous corriger sur deux points :
la collection des Heures peut se trouver dans la plupart des boutiques Cartier partout dans le monde (tout le monde n'est pas Serge Lutens, non plus);
l'apparition des synthétiques en parfumerie n'a pas attendu Mademoiselle mais remonte (au moins) à Jicky, de Guerlain sorti en 1889. Le propos révolutionnaire du N°5 était ailleurs.


par sam, le 2/08/2015 à 21h00

Merci pour cet article, ça fait cher la bouteille de produits chimiques et de perturbateurs endocriniens, les parfums bio comme Honoré des Prés sont bien plus interessants et authentiques, le vrai luxe est là dans le choix des matières premières. C'est comme un chef étoilé qui utiliserait des ingrédients de piètre qualité.


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